C'est moi.
Je suis devenue cette fille qui nous regardait dans le fond de la classe, sans broncher, esquissant des sourires de temps en temps et notant frénétiquement tout nos faits et gestes.
Je suis arrivée dans leur univers lundi et j'en repartirai vendredi. Je me suis introduit dans leur petit monde et je les espionne.
Pendant la première heure, ils semblaient hypnotisés. Les yeux rivés sur moi, la gorge remplie de question, mais ils font le silence. Plus tard, tout est redevenu normal. Des chuchotements, des petits rires, des doigts levés, ils ont décidé de m'ignorer.
J'ai enfin un regard extérieur. Quand on est gamin, on avale, sans trop rien dire, ce que la maîtresse dit, écrit, et ordonne. On ne se doute pas de tout ce qu'il faut pour en arriver là. Toute la pédagogie mise en oeuvre pour nous faire comprendre ce que le B.O exige. On avale, c'est tout.
Maintenant, je vois. Je note tout ce qu'il se passe entre les murs. Et les choses ont bien changé. On est pas dans une école du fin fond de la campagne, ni dans une école de quartier résidentiel type Wysteria Lane.

Je suis dans une école "zone violente". Ah oui, effectivement, c'est violent! Ce ne sont plus des petites têtes blondes prêts à avaler des tonnes de leçons, et qui ne posaient pas problèmes. J'ai en face de moi, des gamins qui ont plus d'expérience à 8 ans que moi à mon age... Ils vivent des choses auxquelles on aime pas penser.

Dès le 2e jour, ils m'acceptent et me parlent. Ils me bombardent de questions et ça devient même gênant. Je m'amuse même à recopier des petites anecdotes. Ces petites phrases assassinent qu'ils se disent naïvement, des remarques faites à la prof à propos d'un problème de math. Ces gamins rapportent tout les mauvais faits et gestes de leur camarades et parfois je suis tordue de rire à l'intérieur! Une gamine veut devenir instit', l'autre voudrait une baguette magique mais ils ne sont pas dupes. Ils savent. Ils savent et sont loin d'être naïfs. Ils savent la violence, la pauvreté, le froid. Ils savent que là-haut, on se fout de leur gueule en leur disant qu'ils peuvent tous devenir quelqu'un grâce au nouveau système d'éducation qu'on met en place pour eux, les élèves en grandes difficultés.

Demain, beaucoup n'auront pas fait leur devoirs parce que les parents ne leur rappelle pas! On peut développer des moyens, et des systèmes extraordinaires, mais si les parents ne font pas leur boulot de parents, on dira que les profs sont les responsables! Mais même les parents...

Je les regarde et les questionne parfois. Je rentre dans leur vie. Et vendredi, elle reprendra son cour. Je repartirai comme je suis venue, je les croiserai parfois dans la rue avec un petit sourire en coin et un regard complice. Je suis heureuse, ils ont changé ma vie. Ils m'ont rendue sure de ce que je suis et ce que je veux être "plutard". Mais, moi, qu'est-ce que je leur ai apporté?

Les enfants sont l'avenir. Pour ceux là, l'avenir n'est pas très rose.